CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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L’ÉGLISE CONTINUE DE COMPTER SES MORTS ! PÈRE JEAN GUTH, UN MARTYR DE PLUS ! : OCTOBRE 2002

samedi 6 juin 2020

PAROLES D’ÉVÊQUE N° 19

Chers frères et sœurs

1. Au moment de porter en terre notre frère, le père Jean GUTH, ce Missionnaire qui s’est dévoué depuis 1967 au service de la promotion humaine, matérielle et spirituelle de notre peuple, du Nord au Sud du pays, nous voulons crier tout haut notre peine devant les agressions gratuites dont les serviteurs et servantes de Dieu sont victimes de la part des hommes en armes de tous bords.

2. Le Père Jean GUTH vient de mourir des mains des miliciens Ninjas-Nsiloulou qui l’ont pris en otage, sans raison, depuis le 30 mars 2002 et l’ont entraîné dans toutes les forêts des districts de Vindza et de Kindamba. Il y a subi des violences de toutes sortes : sévices multiples et répétées, coupure totale du tendon, brisure de plusieurs dents, manque de soins et de nourriture. Il vient ainsi allonger la liste des serviteurs et servantes de Dieu victimes des violences politiques au Congo.

3. Avant ce nouveau martyr, l’Église avait déjà déploré les violences subies par le Père RAMEAU dans les années 50 ; les tortures subies par l’Abbé Louis BADILA et le Père ROBIR en 1965 ; l’enlèvement et l’assassinat du Cardinal Émile BIAYENDA en 1977 ; la mort non vraiment élucidée de Monseigneur Benoît GASSONGO en 1982 ; l’emprisonnement et les tortures de l’Abbé Joseph NDINGA en 1988 ; l’assassinat du père Jan CZUBA, curé de Loulombo, en 1998 ; l’assassinat des médiateurs chrétiens à Mindouli, en 1998 ; l’assassinat de Guy NAKAVOUA, grand séminariste du Diocèse de Kinkala, en 1998, du Père Michel HALBECK, Jésuite, en 1998 et d’autres sévices subis par les jeunes en formation.

4. Comme l’affirmait Jésus, le peuple est un troupeau de brebis sans pasteur. Comble de malheurs, personne ne s’en soucie et tout est fait pour entraver l’assistance humanitaire pour des raisons, dit-on d’insécurité, alors que tous sont conscients que cette attitude de non-assistance à personne en danger est universellement répréhensible et qu’elle entraîne inexorablement des milliers de morts.

5. Le scandale est que l’Église qui est la première victime des hommes en armes, de quelque côté qu’ils soient, est accusée de ne rien faire pour défendre et protéger ses membres et ses biens. Elle n’a rien fait, dit-on, pour la libération du Père Jean GUTH des mains des Ninja-Nsiloulou. Au Congo, comme partout ailleurs, l’Église à la mission d’éveiller et de former les consciences. C’est dans cette perspective qu’elle a prôné et privilégié la voie royale du dialogue dans ses contacts avec l’État à qui revient la mission d’assurer la sécurité des personnes et des biens, conformément aux dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002, en son article 69.

6. L’Église, en effet, a mené plusieurs démarches connues auprès des autorités publiques pour qu’un cessez-le-feu permette le dialogue indispensable à l’arrêt des hostilités, à la libération des otages et de tous ceux que les opérations militaires retenaient dans les forêts.

De nombreuses personnalités politiques et militaires ont été contactées pour prendre la décision salutaire, afin de mettre en route une médiation. La réponse constante était que l’on ne pouvait pas, à ce stade, arrêter les opérations militaires qui étaient censées venir à bout des « rebelles terroristes ».

7. Devant la stagnation économique de notre pays et ces guerres civiles malheureusement génératrices d’énormes revenus pour certaines personnes, l’Église rappelle que les Congolais ne doivent pas continuer à être des loups pour leurs frères et sœurs. Le Congo regorge de suffisamment de biens pour une vie plus humaine et plus digne au profit de tous. Entretenir les guerres pour en tirer d’énormes richesses, au mépris des souffrances de ses propres compatriotes est immoral et indigne. L’histoire du Congo ne peut pas continuer à être celle des souffrances, des larmes et de sang. Nous formons le vœu que l’Église et la société congolaise fassent amende honorable pour tant de vies détruites impunément.

8. À Monsieur NTOUMI, nous disons : « assez » !

Si l’on est Militaire, la déontologie de cet art veut que l’on protège le peuple au lieu de s’en servir comme bouclier. Si l’on est Pasteur, comme Jésus, on donne sa vie pour ses brebis.

9. Chers jeunes, vous qui avez tenu les armes aux côtés de M. NTOUMI, nous vous rappelons que vous ne pouvez pas indéfiniment défier l’armée de tout un pays. Faites confiance à la promesse que le Président de la République vous a faite en s’engageant à assurer votre sécurité au cas où vous déposeriez les armes. Donnez, une fois encore, une chance à la paix et retrouvez votre place au sein de la communauté nationale. N’entendez pas d’autres voix pour martyriser encore plus cette région qui n’aspire qu’à la paix et au développement de ses énormes potentialités. Les Évêques, les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté vous supplient de renoncer aux armes. La guerre ne fera qu’hypothéquer votre avenir et celui de notre pays.

10. À l’adresse des Autorités de notre pays, nous réaffirmons que pour la paix, le dialogue demeure la voix incontournable, et nous offrons notre disponibilité pour la réinsertion de la jeunesse, et que cessent les exactions gratuites, surtout celles exercées à rencontre des jeunes qui sont dans les villages ou qui sortent des forêts.

11. Nous prions pour que le sacrifice du Père Jean GUTH qui s’ajoute à celui de tous les martyrs de ce pays nous obtienne justice réconciliation, paix et prospérité.

Fait à Brazzaville, le 1er octobre 2002.

Pour les Évêques du Congo,

Mgr. Anatole MILANDOU Archevêque de Brazzaville,
Président de la Conférence Épiscopale du Congo.

 

 


 
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