CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO


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PERSPECTIVES ET ENJEUX DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AU CONGO-BRAZZAVILLE

mercredi 7 septembre 2022

REFLEXION
Les tâches actuelles de l’Église catholique au Congo-Brazzaville
perspectives et enjeux

N.B. Le présent article est l’épitomé d’une réflexion plus ample à paraître dans un ouvrage collectif

L’Église catholique au Congo-Brazzaville est en marche, avec une cadence apostolique soutenue. À l’heure actuelle, elle connaît un mouvement d’engendrement et de ré-engendrement. La célébration réussie du cinquantenaire de la Conférence Épiscopale du Congo (CEC), la récente Ordination épiscopale scintillante du 2ème Évêque de Doloise (Mgr Toussaint Ngoma Foumanet), après celle de Mgr Armel Gélase Kema comme Évêque de Ouesso, la réception du Pallium et la puissante initiation de la mission apostolique de l’Archevêque de Brazzaville (Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou), la multiplication des ordinations presbytérales, l’organisation réussie de l’Assemblée Spéciale des Ouvriers Apostoliques de Brazzaville (ASOA), la célébration prochaine du 140e anniversaire de l’évangélisation du pays (1883-2023) et bien d’autres évènements, donnent à l’Église locale de vivre une nouvelle épiphanie.

Entraînée dans le mouvement et par l’événement Jésus-Christ, au creux des soubresauts socio-politiques et des épreuves de tout genre, sans oublier la pandémie à corona virus, l’Église qui est au Congo est appelée à se donner de nouvelles lignes de conception, d’organisation et de réalisation. Elle est invitée à témoigner, de façon plus dense et plus intense encore, de la nouvelle-même-présence-du-Christ-Jésus dans le monde de ce temps. Pour elle, il s’agit de cibler des tâches actives et dynamiques, afin que l’euphorie actuelle puisse déboucher sur une espérance raisonnable et durable pour le peuple de Dieu et les populations locales. Entre autres, on pourrait penser aux tâches suivantes : la tâche magistérielle, doctrinale et théologique ; la tâche missionnaire ; la tâche cultuelle et culturelle ; la tâche pastorale, sociale et économique ; la tâche infrastructurelle ; la tâche historique ; la tâche d’élaboration textuelle ; la tâche éducative, instructive et formative.

La première tâche, dans la connexion et la communion avec l’Église universelle, consiste à renforcer et densifier le magistère local ainsi qu’à affirmer la spécificité de son enseignement, qui ne devrait souffrir d’aucune contestation, notamment lors des prises de position publiques. Cette tâche s’enrichit à travers une tropicalisation et une véritable actualisation des documents du Saint-Père et du Magistère universel de l’Église. La tâche magistérielle illustre l’engagement apostolique des pasteurs propres de nos diocèses. Elle exige une opération complémentaire de la part des théologiens et des autres intellectuels, docteurs, experts, concepteurs, ingénieurs des savoirs et des pratiques dans l’Église du Congo. Ces derniers devraient divulguer les visions ainsi que sensibiliser sur les orientations majeures de la CEC.

La seconde tâche est missionnaire. Elle surgit dans le cadre de la mondialisation et prend corps à travers la complexification des modes de vie et de pensée des individus et des collectivités. Elle consiste à concevoir et à poser à nouveaux frais le mouvement de la mission en République du Congo. Il s’agit aussi de (re)-penser et de (s)’engager (dans) la mission en considérant les nouveaux lieux et liens de l’humain, en s’affrontant à la montée d’une anthropologie anti-chrétienne, en s’attaquant aux questions écologiques, aux élans genrologiques, aux problématiques transhumanistes...

L’autre tâche est doublement cultuelle et culturelle. Elle concerne les pratiques célébratives et liturgiques ainsi que le réinvestissement des cultures locales, la re-conception de diverses pratiques culturelles qui ont aussi envahi l’espace ecclésial… Il faudrait repenser et réarticuler, sous le prisme de la foi en Jésus-Christ, des pratiques comme les rites de naissance, les rites de mariage (la dot), les rites funéraires (le veuvage…). On pourrait aussi procéder à une actualisation et à une nouvelle perspectivisation de l’inculturation.

La 4ème tâche est triplement pastorale, sociale et économique. La pastorale de l’Église catholique au Congo possède une forte valence dévotionnelle. Elle opère, par la puissance de la foi, à la libération intérieure des fidèles dans leur vie quotidienne à la suite du Seigneur Jésus-Christ. La prise en charge pastorale devrait s’orienter également vers les petites spiritualités qui envahissent la rue de l’Église et de la société congolaises. On le voit avec l’émergence des mouvements et pratiques comme les 12 grottes, les 9 grottes, les 6 grottes… Un approfondissement de la pastorale ecclésiale au Congo pourrait être envisagé en tentant de donner des réponses claires et conséquentes à l’appel du social. Il s’agit de la mise en branle d’une pastorale qui s’ouvre à la dimension sociétale et met en jeu l’élévation de la qualité de la vie des hommes et des femmes de foi, en maximisant leur quête d’accomplissement matériel.

Cette pastorale peut devenir l’expression de l’élan de la justice sociale et de l’implémentation du christianisme socio-économique dans notre pays. Elle illustre une foi chrétienne qui se fonde sur l’Enseignement Social de l’Église ; une foi qui met en avant les œuvres (Jc 2, 14-18). Dans cet ordre, des projets sociaux et économiques sont à mettre en branle… Une des tâches connexes est celle infrastructurelle. Il s’agit de bâtir des lieux physiques qui font montre de la présence catholique et de l’enracinement de la foi au Congo Brazzaville. Dans notre pays, il existe bel et bien des Clercs et des Consacrés bâtisseurs ; ceux de l’ancienne génération et ceux de la nouvelle génération. On pourrait procéder à la densification de l’œuvre infrastructurelle, à la multiplication de la tendance à la construction des édifices religieux dans l’Église locale par des prêtres et des fidèles.

On note aussi la tâche historique. Elle se veut importante et déterminante. Elle concerne la restitution de l’histoire ecclésiale aux fidèles, l’archivage des séquences de l’histoire de la foi au Congo, la création des musées, des lieux de conservation et de promotion de l’histoire du catholicisme dans le pays. L’œuvre historique est fondamentale dans la vie d’un peuple. La connaissance et l’appropriation de l’historicité est un gage pour mieux évoluer et durer dans l’actualité ainsi que se projeter dans la spatialité et la temporalité.

On peut également évoquer la tâche d’élaboration textuelle. Elle est dense et délicate. Elle concerne l’ensemble des textes (canoniques, juridiques, administratifs, pastoraux…) à mettre en place pour protéger la vie de l’Église, pour protéger son patrimoine, pour mieux gérer et organiser ses structures, pour opérer au bien social de ses multiples employés... La tâche textuelle concerne aussi et surtout les statuts et règlements intérieurs des mouvements et groupements ecclésiaux. Il s’agit de textes à élaborer, évaluer, actualiser, reconsidérer en suivant les intentions et indications du Code de droit canonique. La tâche textuelle concerne, enfin, les contrats des personnes qui travaillent au service de l’Église locale, les différents employés de nos structures religieuses, de nos paroisses et autres.

La tâche ultime, à ce niveau de notre réflexion, est triplement éducative, instructive et formative. Bien que difficile, cette tâche reste décisive pour une Église en chantier et en mouvement comme la nôtre. Elle concerne la formation, l’enseignement, l’éducation des enfants, des jeunes, des adultes dans les communautés paroissiales, dans les structures religieuses et sociales, dans les écoles catholiques... Elle possède une station importante qui est celle des Grands séminaires nationaux de théologie (Card. Emile Biayenda), de philosophie (Mgr Georges F. Singha) et de la Propédeutique (Abbé Charles Mahonde). La tâche de l’éducation dans l’Église locale exige la promotion des écoles catholiques de 3ème génération ; celles qui illustrent un nouveau mode d’être école et une nouvelle façon de faire école. De fait, les écoles catholiques au Congo sont invitées à quitter les lieux de la répétitivité radicale et de la colonialité perpétuelle en ce qui concerne les curricula et les programmes de formation, pour accéder aux milieux de la créativité pédagogique et de la contextualité éducative... Elles doivent inventer une école inflexionnelle et contextuelle ; une école de la sagesse et de la vie. Un lieu déterminant de l’éducation catholique au Congo-Brazzaville est le pan universitaire. L’Église catholique au Congo-Brazzaville est manifestement assez mûre pour lancer, ouvrir des branches de formation supérieures, en s’arrimant au projet universitaire en cours de parachèvent à Liambu (Université Catholique du Congo-Brazzaville, Faculté de Sciences). Ce qui est un grand labeur et exige beaucoup de sacrifices.

Une Église en sortie : L’Église du Congo a été, comme la plupart des Églises d’Afrique noire francophone, structurée à travers le prisme missionnaire. Dans son cheminement historique, elle subit la domination socialiste et la prégnance marxiste-léniniste. Aujourd’hui, un grand vent de liberté la traverse et elle se cherche un nouveau souffle ainsi que de nouvelles raisons de vivre et de mourir à la suite du Christ Jésus. Dans cette dynamique d’émergence et de projection historico-temporelle de grandes intuitions et d’authentiques réalisations devraient meubler sa marche et contribuer à son accomplissement en Jésus-Christ. L’ensemble des tâches évoquées ici veulent participer d’une vision évangélique programmatique. Il s’agit de plans et d’options qui devraient être peaufinées, enrichies, corrigées et réorientées... par les personnes et les structures appropriées. Elles pourraient amplement ainsi servir à l’élévation de nos communautés et au développement de notre société. Le devenir de l’Église locale du Congo, en tant qu’Église en sortie et en chemin synodal vers la synodalité (Pape François) reste plein de promesses. Il dépend de notre action et de la mutualisation de nos efforts.

Pr Don Stève Gaston
BOBONGAUD, MC UCAC
Prêtre de l’Archidiocèse de Pointe-Noire

Père Don Stève Gaston


 

 


 
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