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RCA - PÈLERINAGE DIOCÉSAIN 2022 : HOMÉLIE DE L’ARCHEVÊQUE DE BANGUI

vendredi 16 décembre 2022

Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA

9 décembre 2022

Chers frères et sœurs, Le traditionnel pèlerinage de l’Archidiocèse de Bangui, vécu intensément cette semaine, s’achève aujourd’hui. En ses différentes composantes, notre Église particulière déborde de joie et d’allégresse. Nous rendons grâce au Seigneur qui nous a donné de célébrer, sur ce site marial de Ngoukomba, les prévenances de son amour pour nous. Unis dans la même foi et la même espérance, nous sommes heureux d’avoir marché ensemble, ces jours-ci, avec nos frères et sœurs venus de loin. Je les remercie sincèrement d’avoir fait le déplacement de Ngoukomba. Avec vous nous avons reçus grâce sur grâce. Je tiens aussi à saluer, avec grande affection, des frères et sœurs qui appartiennent à d’autres confessions religieuses et lesquels nous faisons route ensemble. De cette manière, nous témoignons de l’intérêt et de l’importance que nous attachons au chemin œcuménique et interreligieux comme espaces de fraternité et de solidarité active.

Le pèlerinage de cette année offre une très belle illustration de l’esprit synodal que nous essayons de promouvoir et qui nous engage en tant que Corps du Christ. Il consiste en l’accueil et la mise en œuvre de la communion, de la participation et de la mission dans nos manières d’être Église et de faire Église. Autrement dit, être Église et faire Église, c’est être ensemble et marcher ensemble sur les routes de la même et unique mission, en promouvant toujours davantage la participation de tous et de chacun, dans un esprit de communion fraternelle. La synodalité est vraiment la marque distinctive de l’Église. Et la célébration de clôture solennelle de notre pèlerinage en est une preuve concrète ; elle célèbre la joie qui rassemble les différences dans l’unité de la communion dont l’Église est l’humble témoin dans le monde. J’aimerais vivement que chacun de nous puisse repartir de ce pèlerinage avec la conviction, comme dit l’Ecriture, « Qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble » (Ps 133, 1).

J’aimerais surtout que nous repartions de Ngukomba en prenant chez nous la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Église que cette célébration eucharistique de clôture du pèlerinage honore en son Immaculée Conception. Prendre Marie chez soi signifie d’abord nous émerveiller de la plénitude de grâce dont elle est comblée de la part du Seigneur. Ensuite, c’est tenir sa main, marcher à ses côtés, marcher avec elle et se laisser conduire par elle, jusqu’à la plénitude de la joie qu’elle désire nous faire découvrir. Cette joie, c’est la joie de la rencontre avec son Fils Jésus. Comblée de grâce et compagnon de route des disciples du Christ, la figure de Marie est un modèle qui préfigure, « l’Église, la fiancée sans ride, sans tache, resplendissante de beauté » (Préface de la messe de l’Immaculée Conception ; cf. Éph. 5, 27).

Chers frères et sœurs, La communion spirituelle vécue et célébrée en ces jours est communion avec Marie qui écoute avec nous la Parole de Dieu, l’accueille dans son cœur et la laisse se déployer entièrement en elle. De cette manière, Marie est dans une attitude de totale disponibilité à faire la volonté de Dieu. En vérité, ce qui est premier, ce n’est pas la réponse de l’homme ; c’est plutôt Dieu qui, le premier, a l’initiative de notre salut. C’est là l’enseignement majeur qui nous est proposé en cette célébration de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie ; c’est cela que la liturgie de la Parole met en pleine lumière et que nous voulons brièvement méditer, avant d’indiquer de quelle manière nous pouvons, dans un esprit synodal, traduire cet enseignement dans nos différents lieux de vie, d’apostolat et de travail. 

Que signifie honorer la Vierge Marie en son Immaculée Conception ? Quelle vérité révélée l’Église professe-t-elle par-là et que propose-t-elle à la foi des baptisés ? L’Église croit que Marie a été l’objet d’un privilège spécial et unique, à savoir qu’en vertu d’une grâce exceptionnelle la Vierge Marie a été préservée du péché originel. Ce qui, dans l’ordre de la rédemption, lui confère une dignité et une destinée uniques : en choisissant Marie pour être la Mère de son Fils, Dieu ne l’a pas seulement revêtue du « manteau de l’innocence » en la préservant du mal ; il a également, de manière définitive et indissoluble, lié sa destinée au mystère de son Fils. Le peuple chrétien confesse précisément cela en nommant Marie : « Mère de Dieu » ! Par conséquent, célébrer l’Immaculée Conception, c’est célébrer la prévenance de la grâce divine et de son amour inconditionnel pour l’humanité toute entière. C’est pourquoi il est juste d’affirmer que Dieu, dans l’Immaculée Conception, se révèle comme le Dieu de la Vie et de la vie abondante qu’il veut partager à ses enfants ; la vie que rien ni personne ne peut détruire ; la vie qui triomphe du mal sous toutes ses formes, la vie qui a le dernier mot.

Cardinal NZAPALAINGA

Chers Frères et Sœurs La première lecture, tirée du Livre de la Genèse, confesse la beauté originelle de la création : Dieu a créé l’Homme – Adam et Eve – pour la vie. Et cette vie est communion avec lui. En transgressant les limites imposées à toute créature, Adam et Eve ont désobéi à Dieu et se sont éloignés de la Source qui les fait vivre. C’est par un acte d’une souveraine liberté que l’homme a choisi de s’éloigner de Dieu. Mais Dieu prend l’initiative d’engager le dialogue avec Adam et Eve. Dans cette démarche, Dieu n’use pas d’une parole de condamnation. Il leur parle plutôt avec bienveillance, il cherche à rétablir la communion brisée. En allant à eux, alors que le péché les éloigne de lui, Dieu donne la preuve de la victoire de la vie sur le mal et sur la mort.

Dans l’extrait de la lettre aux Éphésiens que nous avons entendu, l’Apôtre Paul approfondit cette révélation en redisant, à sa manière, l’amour de prédilection de Dieu pour l’homme. Oui, Dieu ne nous a pas créés pour nous livrer ou nous abandonner à toutes formes de souffrance mais pour la vie. Un vrai chemin de vie et d’expérience spirituelle s’ouvre ici, qui débouche sur l’acte d’adoration en tant que devoir de la créature à l’égard de son Créateur. Et l’adoration est l’acte de reconnaissance émue des bienfaits de Dieu, Lui qui, dans le Christ, nous comble « infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons » (Eph. 3, 20). On le voit, la puissance d’amour que Dieu a déployée et qu’il a mise en œuvre pour rétablir l’homme dans sa dignité d’enfant de Dieu est au-delà de toute imagination. Elle dépasse toute mesure.

Nous serions tentés de nous interroger : comment cela est-il possible ? L’Ecriture répond : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). En effet, là où Adam et Eve ont introduit une faille dans notre relation à Dieu, Marie, nouvelle arche d’alliance, coopère humblement au projet de Dieu. Alors qu’Adam et Eve ont choisi de s’éloigner du Créateur, Marie, la jeune fille de Sion, entre dans le projet de Dieu pour en vivre pleinement, en fidèle servante. Dans la confiance, nous nous mettons à l’école de la Vierge Marie et nous apprenons à réaliser les desseins de Dieu. Avec Marie nous sommes capables de devenir le canal par lequel son amour se répand dans les cœurs. Cependant chacun et chacune de nous est libre, soit de coopérer humblement avec Dieu, soit de refuser et d’aller son chemin…

Chers frères et sœurs, Voilà ce qui ressort de la méditation de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre. Quelle lumière pouvons-nous recueillir non seulement pour notre vie personnelle mais aussi pour notre vivre-ensemble ? Quels défis spécifiques la Parole de Dieu entendue nous engage-t-elle à relever ? En effet, trois convictions fortes se dégagent de cette liturgie de la Parole de ce jour, notamment :

Première conviction : ne jamais se décourager ou désespérer de son prochain, mais lui renouveler notre confiance. C’est l’exemple que Dieu nous donne : après qu’Adam et Eve ont péché, Dieu est allé vers eux, il a fait le premier pas. Son souci était de réparer ce qui était brisé, de rétablir la communion. C’est pourquoi le dialogue qu’il a engagé était bienveillant ; il n’avait rien de malsain ou de méfiant. Sommes-nous capables d’une disposition à poser sur les autres un regard qui les reconnaît dans leur dignité d’homme et de femme ? Pourquoi nos cœurs sont-ils bien souvent inquiets lorsqu’il s’agit de dialoguer véritablement avec l’autre ? Pourquoi préférons-nous la plate-forme des réseaux sociaux plutôt que la détermination à aller à la rencontre de l’autre ? De quoi avons-nous peur ?

Deuxième conviction : Dieu a ordonné la création au bonheur de l’homme. Ce bonheur consiste dans la communion avec Dieu et avec son prochain. En méconnaissant cela, l’homme s’engouffre dans le péché et dans des situations aux conséquences immenses, incalculables. Que pouvons-nous construire de bien et de beau si nous demeurons éloignés de Dieu et des autres ? Jusques à quand, et pour quel intérêt, allons-nous délibérément entretenir cette situation confuse de l’éloignement des uns à l’égard des autres ? Où sont-ils, ces hommes et ces femmes de bonne volonté assoiffés de communion et de fraternité, pour le bien de tous ? Où sont-ils, ces bâtisseurs de ponts dont notre pays a plus que jamais besoin aujourd’hui ? L’heure est sans doute venue pour qu’ils renoncent à se retrancher derrière des forteresses des partis politiques pour construire la paix et la communion. Sinon, ils risqueraient de donner raison à ceux qui estiment que les partis politiques ne sont que des tremplins pour accéder au gâteau national !

Troisième conviction : nul n’est assez pauvre pour ne pas être une chance pour son prochain. En effet, en la comblant de grâce, Dieu a voulu que Marie devienne le canal par lequel ses faveurs se déversent sur toutes les femmes et sur tous les hommes. Que chacun et chacune de nous prenne conscience de ce qu’il (elle) est et des dons qu’il (elle) a reçus. La diversité des dons est au service de la construction d’une société véritablement humaine dans la communion et la solidarité. Que le Seigneur nous préserve de l’égoïsme, de la tentation du repli sur soi, de la volonté vicieuse de vivre pour soi et de se servir des autres pour atteindre des buts personnels. Dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le Pape François a ces mots justes : « Attention à la tentation de l’envie ! Nous sommes sur la même barque et nous allons vers le même port. Demandons la grâce de nous réjouir des fruits des autres, qui sont ceux de tous ». (n.99)

Chers Frères et Sœurs, Une authentique expérience spirituelle nous rappelle que rien de beau ni de grand ne peut se faire dans la vie chrétienne sans la docilité à la force de l’Esprit du Seigneur. Que l’on soit croyant ou non, nous sommes néanmoins frères et sœurs en humanité, nous sommes embarqués dans un même bateau, en marche vers l’avènement d’une société que nous voulons tous fondée sur des valeurs non négociables : les valeurs de paix et de justice, les valeurs de solidarité et de fraternité, les valeurs d’amour et de vérité, les valeurs de communion et de partage. Rendons grâce au Seigneur qui nous a renouvelés dans la grâce de la communion fraternelle dont ce pèlerinage est le signe et l’expression la plus éclatante. Devenons, avec Marie, dociles à la volonté de Dieu afin de recevoir l’abondance de dons dans nos cœurs. Avec beaucoup d’humilité, supplions Dieu de nous revêtir de la force de son Esprit afin que nous devenions des témoins crédibles de son amour.

A vous pèlerins de Centrafrique et d’ailleurs, des intentions particulières ont motivé votre déplacement. Que vos prières soient portées par Notre Dame de Ngoukomba à son Fils. Soyez bénis au nom du Seigneur ! 

Que la Vierge Marie, Notre Dame de l’Oubangui, intercède pour nos familles, nos différentes communautés et pour notre cher pays. Qu’elle nous obtienne de Son Fils les grâces nécessaires à l’édification d’une société rayonnante de vie et de joie partagée. Amen.

+ Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA Archevêque Métropolitain de Bangui
Mise en ligne Abbé Gaston

 

 


 
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